JdR

Questworlds en approche

… traditional roleplaying games simulate
an imaginary reality,
QuestWorlds emulates the techniques of fictional storytelling….


Bon ! Nous y sommes ! Enfin !

Février 2025 verra la publication commerciale de Questworlds. Enfin !, dirais-je, tout en me rappelant que la patience est une vertu. Cette nouvelle version de l’Heroquest du passé qui motorisa une des versions de Glorantha (HeroWars) va-t-elle remporter l’adhésion ? Rien n’est moins sûr !

En effet, le SRD, dans sa Version 0.97 en ligne depuis longtemps (presque trois ans), est resté confidentiel, ne créant pas d’effervescence auprès des fans de la première heure. Le numéro ISBN a été obtenu début 2024, et l’on attend maintenant que Chaosium publie le corpus officiel des règles selon une feuille de route annoncée depuis presque deux ans maintenant.
C’est donc en février 2025 que sortira le Core Book avec une illustration de couverture pas très engageante. Mais au moins ça sort. Plusieurs suppléments de genre sont prévus par la suite.
En attendant, les quelques fans dont je fais partie rongent depuis longtemps leur frein avec la version 0.97 disponible en tant que document référence de ce moteur modernisé de feu Herowars, devenu, en son temps, Heroquest V1 puis V2.

Notons et glorifions une traduction en français du SRD, que l’on doit à Jean-Michel Armand. La VF est encore disponible au moment d’écrire cette bafouille via le facebook de Questworlds. Encore merci à lui.

Bref, ça arrive enfin et Ian Cooper l’un des auteurs, distille très lentement et prudemment des infos sur son Facebook. Une si grande prudence que l’on pourrait craindre que Chaosium se retire rapidement du projet en craignant une production à perte. Car pour l’instant, Chaosium n’a lancé, depuis deux ans, aucun teaser véritable qui aurait pu faire monter l’intérêt pour le système. Du moins jusqu’à ce mois de décembre 2024 avec l’annonce de publication.

En attendant, je tourne autour du projet depuis tout ce temps. Je compare les nouveautés de Questworlds avec les anciennes versions. Je fais des essais, explorant les forums BRP, en réfléchissant à comment habiller ce système selon le genre que l’on veut mettre en jeu.

J’ai toujours aimé Herowars et Heroquest pour les mêmes raisons : plusieurs mécaniques de simulation selon les besoins de l’ambiance et de la scène, pas de points de vie évidents, peu de dés à manipuler, une création de personnage assez (très) ouverte, mais pouvant être cadrée par des règles maison ou des suppléments précis, une échelle de puissance facile à manipuler et cohérente. Bref, de l’ouverture, des conversions d’univers très souples, de la facilité et de la simplicité de réglage de focale avec un fort potentiel de liberté de création très aisée. On pourrait dire cela pour d’autres moteurs bien connus. Pour presque tous en fait, car la « règle d’or« , souvent citée, dédouane tout système d’un cadre de règle trop précis et trop rigide. Mais Questworlds est pensé pour ce type de paradigme très fluide et ouvert.

Cependant, je pense personnellement que la prise en main pour les débutants n’est pas évidente. Les genres pack seront là pour aider la mise en place du contexte de jeu dans un univers-type. Malgré cela, je pense qu’il n’est pas évident d’entrer dans le costume du MJ à Questworlds, même pour les vieux routards, sauf les habitués de JdR comme Fate par exemple.
Il y a plusieurs clés de conception à bien appréhender et maîtriser. La principale étant de bien définir le pourquoi de l’opposition, le gain de la victoire, le prix de la défaite et surtout la mécanique de résolution à utiliser, car il y en a plusieurs dans Questworlds.
Une autre clé étant la définition du personnage qui devra permettre de trouver les bonnes capacités à utiliser. De même, les conséquences physiques induites par l’usage des armes peuvent ne pas satisfaire certaines tables. Enfin, certains tests faisant appel dans les systèmes plus classiques à des caractéristiques comme la Force, l’Endurance, la Volonté ne sont pas évidents à mettre en place, voire peuvent être sujet à débat à la table.

Voyons un peu tout cela

La création de personnage

Un personnage bien défini dans Questworlds aidera grandement le MJ. Les règles stipulent de définir un concept de personnage avec un trait de personnalité ou une distinction particulière. Pour cela, l’idée de la table aléatoire du JdR Namless Streets motorisée par Heroquest V2, croisant adjectif et profession est, selon moi, une approche facilitatrice pour tous. Dans cet ordre d’idée, il peut être intéressant de construire une telle table en s’inspirant des nombreux descriptors du Cypher System V2, ou encore de la proposition plus contenue Knave :

Voici des exemples de traits de personnalité aidant à définir son perso.

Cypher (partie 1)Cypher 2 (partie 2)Knave V1Nameless Streets (heroquest V2)
Appealing
Beneficent
Brash
Calm
Chaotic
Charming
Clever
Clumsy
Craven
Creative
Cruel
Dishonorable
Doomed
Empathic
Exiled
Fast
Foolish
Graceful
Guarded
Hardy
Hideous
Honorable
Impulsive
Inquisitive
Intelligent
Intuitive
Jovial
Kind
Learned
Lucky
Mad
Mechanical
Mysterious
Mystical
Naive
Perceptive
Resilient
Risk-Taking
Rugged
Sharp-Eyed
Skeptical
Stealthy
Strong
Strong-Willed
Swift
Tongue-Tied
Tough
Vicious
Virtuous
Weird
Ambitious
Cautious
Courageous
Courteous
Curious
Disciplined
Focused
Generous
Gregarious
Honest
Honorable
Humble
Idealistic
Just
Loyal
Merciful
Righteous
Serene
Stoic
Tolerant
Aggressive
Bombastic
Cynical
Daring
egotistical
faithful
gregarious
haphazard
intelligent
Jaded
laconic
mad
noble
optimistic
persevering
rough
stoic
terrible
wrathful
Zealous
Traits de personnalité issus de trois JdRs

Note 1 : le trait de personnalité ne devra pas empiéter sur le ou les capacités représentant les faiblesses du personnage.
Note 2 : rien n’empêche d’ajouter un trait de personnalité au premier. Trois, me semblerait être le grand maximum cependant.

Après avoir identifié un ou plusieurs traits de personnalité, il va s’agir de définir une capacité qui représentera la principale vocation, profession, expertise du personnage. Ces deux (ou plus) capacités (trait de personnalité + vocation) représentent, comme pour Fate, le concept central du personnage sur lequel une grande partie des tests pourront s’appuyer. En général, elles (ces capacités fondatrices) porteront les prolongements (breakouts / ou encore spécialités) du personnage. C’est ainsi, que j’aime beaucoup l’idée d’une table de création aléatoire du concept principal de personnage, nonobstant que le joueur ou la joueuse n’est pas une définition bien précise du personnage à créer. Dans ce cas, la mécanique très intéressante de la prose en une centaine de mots offre une grande liberté créative, bien que nécessairement soumise à régulation pour bien s’ancrer dans le cadre de jeu et éviter les sorties de route en cours de séance.

Le problème des caractéristiques/attributs non listés.

Je pense à la Force notamment. Les chances qu’une capacité indique clairement le niveau de Force du personnage ne sont pas si évidentes ou fréquentes. Que faire lorsqu’on doit défoncer une porte ?
Le MJ va en premier lieu se référer aux professions/vocations des personnages. Par exemple, une capacité relative à une profession policière de type SWAT semblera évidente à enclencher pour défoncer une porte. Boxeur marchera également dans une situation classique (peut-être pas en catégorie poids mouche selon la porte…). Pour autant, cela ne quantifiera pas la force physique du policier en question, sauf à dire que son trait de personnalité est du style brute épaisse ou colosse au grand cœur.

S’il n’y a pas de capacité faisant référence de près ou de loin à la Force, l’une des options est en quelque sorte d’inverser les polarités en détournant un peu la règle des augmentations. Ainsi, on part sur une « Force » dont la valeur cible est de 5 selon la règle de la capacité inexistante ; on considère alors les capacités supports qui pourraient l’influencer comme si cela était des breakout /spécialités de +5 à ajouter à la valeur cible. Si la ou les capacités supports ont des maîtrises, le bonus n’est pas de +5, mais de +10 par maîtrise du ou des capacités supports à la Force. Dans le cas où une capacité support à un breakout rélié de manière évidente à la Force, on prend alors la valeur de cette capacité avec son breakout en bonus comme le stipule les règles.
Même mécanique pour l’agilité, ou toute autre logique de caractéristique.
Dans l’absolu, ce type d’épreuve « pure caractéristique » devrait être rare, car il y aura toujours une narration qui viendra chercher l’usage d’une capacité, parfois même en ajoutant à postériori de la densité à la description du personnage.

Sinon, un peu de culture

Définir un personnage, c’est aussi, à tout le moins, identifier sa culture. Du nain, à l’elfe, en passant par le poulpe de l’espace, les hommes-écureuils ou les colons né-spatiaux, et finalement tout ce qui vous passe par la tête. Mais le top, c’est la facilité de conversion immédiate que le système permet. Vous voulez intégrer les races de Talislanta ( et il y en a un paquet !) dans votre univers motorisé par Questworlds ? Pas de problème, la simplicité des mots-clefs permet très facilement de transposer une culture d’un univers à l’autre, presque à la volée. Il suffit ensuite d’identifier quelques spécialités rattachées à la capacité « culture » pour encrer le personnage dans son histoire. Mythic Russia à base d’Heroquest montre combien un mot-clef type « culture » avec quelques breakout est rapidement parlant. Ajoutons, et cela est très important, que le niveau dans la capacité va donner la profondeur de connaissance ou d’imprégnation dans sa culture ou sous-culture, identifiant la profondeur de connaissance possible. Avoir une ou plusieurs maîtrises dans sa ou ses capacités typées culture soulignera l’étendue des savoirs culturels, leur précision ou encore leur rareté.
Bien entendu, je ne me leurre pas : le mot clés de culture n’est pas magique. Le MJ ou le joueur.se devra de connaître la culture pour évaluer les conséquences d’une réussite ou d’un échec.

Finalement, je pourrais écrire cela pour tous les mot-clés dans le système.

Pourquoi faire du Questworlds ?
  • vous n’aimez pas le système qui motorise votre univers ou fluff préféré. Vous voulez faire une conversion vers un autre système. Avec Questworlds la conversion est ultra-rapide. Vous pouvez même la faire en jouant.
  • Vous n’aimez pas les mécaniques techniques, avec trop de paramètres. Bref, vous êtes plutôt tourné vers plus de théâtre mental : Questworlds est fait pour vous sans pour autant abandonner toute possibilité de crunch léger avec plusieurs méthodes de résolution et un peu de homebrew.
  • Vous n’aimez pas les combats qui s’éternisent en raison de micro-règles trop touffues ou de trop nombreux lancés de dés. Questworlds vous offre une résolution de combat à un tour. Mais également en quelques tours pour plus de tactiques. Mais jamais sur le terrain de la complexité ou de la longueur, sans jamais oublier de narrer l’action.
  • Vous n’aimez pas les feuilles de personnage ressemblant à vos feuilles d’impôts. Avec Questworlds écrivez/dessinez votre feuille n’importe comment. Tout est capacités – mots – phrases. Pas de zone d’attributs, pas de zone pour les compétences. Faites à votre goût.
  • Un Mega Dungeon c’est trop Mega-Long. Ben non ! Avec Questworlds prenez vos classes de personnage préférées, transposez-les en quelques minutes et faite un speed-run de votre Mega Dungeon ou de votre campagne de jeu préférée, en vous concentrant sur l’histoire, les interactions avec les habitants, les factions, les religions, plutôt que sur les combats. Rien ne vous empêchera pour quelques confrontations de passer en mode « affrontement » avec les modes « pari » ou « en 5 touches ». Le point qui reste, selon moi, à documenter concerne les modalités possibles de magie, d’artefacts, et d’armement pour retrouver un peu de vibration à la OSR -DD – Pathfinder. Cela viendra certainement dans les packs de genre.
  • Vous aimez plus narrer que faire s’entrechoquer les probabilités. Questworlds vous offrira cela avec les réglages à votre convenance.
  • Vous aimez partir d’une feuille vierge pour créer votre univers sans perdre trop de bande passante avec les systèmes de règles. Questworlds !
  • Vous aimez le D20 mais pas trop de dés. Ça tombe bien Questworlds c’est un d20 par joueurs. Point Barre.
  • Vous aimez le Oui/Non ET et le Oui/Non MAIS. Vous les aurez dans Questworlds.
  • Vous aimez avoir plusieurs méthodes de résolution de conflit ; rapide, par tour, avec des paris. Questworlds offre cela.
  • Vous aimez la logique de chair à canon ou the boss. Vous pourrez le faire avec Questworlds (reste à savoir si le Core Book officiel abordera le sujet).

En revanche, je le précise à nouveau. Si vous n’appréciez pas mettre les mains dans la tourbe créatrice ; si vous aimez la technique et le crunch, des ossatures de personnage denses, des règles qui cadrent tout avec des micro-mécaniques : PASSEZ VOTRE CHEMIN ! (ou relisez la phrase d’accroche de cette bafouille)

EN OFF : cette nouvelle version apporte quelques modifications qui continuent de m’interroger. Abandonner la progression des bonus +3,+6,+9 au profit d’un +5,+10,+15 sous le prétexte que cela soit plus facile pour les additions me laisse dubitatif. L’excellent chapitre d’heroquest V2 concernant le cycle d’une histoire n’est pas repris. Cooper expliquant qu’il était difficile à comprendre. Personnellement je n’ai pas trouvé de difficulté de compréhension et je trouve dommage qu’il n’apparaisse pas dans le SRD tel quel. Il y a bien un chapitre dans le SRD sur une logique de montée en puissance de la difficulté en parallèle de celle des héros, mais cela ne vaut pas ce chapitre abandonné. Peut-être un retour dans le core ou un supplément. Le fait que le SRD soit toujours en version 0.97 m’intrigue également. Ce sont peu de choses au final. Attendons la version commerciale pour se faire un avis définitif…

PS : la version finale de cette V1.0 distribuée par Chaosium est une grosse déception sur la forme. C’est du A5, avec une maquette flemmarde (pour être poli), que je trouve moche (toujours pour être poli).
Peu de mise en valeur des textes ou des mots, aucune véritable mise en page qui permette de mieux comprendre ou digérer la verbosité du texte.
L’illustration de couverture n’est, pour moi, pas folichonne (là encore, je reste poli). En revanche les illustrations (peu tout de même) intérieures en noir et blanc sont plutôt sympas rappelant un style Casus Belli de la veille époque.
Alors oui, il y a des exemples sous la forme de paragraphe littéraire en diable et peu synthétique, mais je n’y ai guère vu d’intérêt, car le système n’est pas si compliqué à comprendre. J’ai trouvé que de nombreux exemples enfonçaient les portes ouvertes de la maison « Evidence » ou que d’autres fermaient la porte à des possibilités de manipulations des règles (un comble pour un système souple). De plus, j’ai eu l’impression, parfois, que ces exemples étaient là pour pré-vendre les suppléments à venir sur les genre-pack. Franchement, lorsque l’on voit ce que des productions mineures et/ou amateurs parviennent à autoproduire, je reste encore incrédule devant cette version médiocre dans sa forme.
Si le SRD est bien actualisé (ce qui n’est toujours pas le cas 6 jours après la sortie de la V1.0), je resterai sur cette version pure.
Il y a déjà quelques productions « tiers » sur Drivethrurpg et le moins que je puisse dire c’est que j’en ai vu n’envoie pas du rêve dans l’utilisation de ce moteur de jeu. Démarrage dans le mur !
Très déçu par cette production finale !