En 2014, j’avais écrit une bafouille sur la VF de 13th Age V1. En la relisant, j’ai décidé de ne pas la transférer dans ce nouveau site préférant attendre la V2 de 13th Age.
Dans l’intervalle de temps qui sépare 2014 et 2025, j’ai fait jouer 13th Age sur une petite trentaine de séances en avec un groupe élargi, et à partir de modules de D&D classiques revisités par l’univers de 13th Age au gré des improvisations des participants. C’était un peu une réaction envers le D&D de l’époque où je m’ennuyais durant les combats. Ayant goûté à ceux de Gurps (incompris par beaucoup de rôlistes, de mon point de vue), je cherchais un booster d’affrontement à D&D. Clairement, le travail sur 13th Age nous a charmé et plutôt que d’importer les bonnes idées dans D&D, nous avons créé une table parallèle à nos aventures dans l’univers des Royaumes Oubliés à la sauce D&D. Dans la semaine, nous jouions donc une fois à D&D et une fois à 13th Age. Les Min-Maxeurs ont trouvé leur bonheur, ou en tous les cas un peu de fraîcheur, dans les réglages des classes de 13th Age.
Puis un déménagement à donner un coup d’arrêt alors que l’on commençait Eyes of the stone Thief.
Après, il y a eu la très bonne adaptation pour Glorantha mais qui ne m’a pas retourné la tête, puis encore des déménagements et d’autres nouveaux jdr, une nouvelle génération de rôlistes, et j’ai laissé 13th Age de côté alors que ce JdR a compté parmi mes meilleures séances et campagne de jeu.
Il est cependant bon de préciser que les règles de 13th Age concerne des rôlistes qui aiment le crunch, les combats tactiques avec des synergies de groupe, qui aiment choisir leurs capacités, aiment les retournements de situation, l’accélération des combats pour ensuite rebasculer rapidement sur la partie plus sociale du récit, qui aiment jouer avec la narration, apporter de l’improvisation et leur pierre à l’édifice, construire une progression de personnage riche, affronter des créatures originales, utiliser des objets magiques uniques et sources de roleplay et d’histoire.
Bref, un système qui tente de faire du « en même temps », ce qui est d’office « casse-gueule « ! Et pourtant la V1 s’approchait d’une belle réussite quasi parfaite. « Quasi », car il y avait encore de petits problèmes d’équilibrage que nous enjambions à l’époque avec des règles maison. Tout n’était pas parfait, mais la V1 touchait du doigt ce « en même temps » magique qui nous a donné tant de plaisir à la table.
Et puis, il y a la gamme accompagnant le jeu.
Une gamme assez réussie dans la qualité de son imaginaire. Son Mega Dungeon est un des meilleurs, mais à tout le moins très original ; sa galerie de monstre propose une belle richesse narrative ; ses objets magiques portent des idées originales à chaque coin de pages ; les classes supplémentaires de 13 True Ways ont permis d’agrandir les possibilités de jeu ; sa campagne Shard of broken stone est une boîte à outils ouverte à d’autres modules ; The Book of Demons propose de bonnes idées exploitables dans d’autres jdr ; Drakkenhall: City of Monsters est une dinguerie pour haut niveau ; Book of the Underworld est très fréquentable lorsqu’on veut descendre sous terre.
Il y a finalement très peu de déchets dans la gamme qui a suivi le Core Rules V1. Il y a même des suppléments reconnus comme de très haute qualité, toute chose égale par ailleurs.
Maintenant, en 2025, après des playtests de plusieurs années, la Seconde Édition arrive enfin. La version Glorantha apportait quelques réglages bienvenus, mais l’annonce de la V2 a enthousiasmé la communauté de fans du système qui pointaient depuis longtemps certains petits déséquilibres.
Rappelons à ce titre que les Règles V1 ont leur SRD en ligne.
Depuis l’annonce de la V2 en deux beaux volumes (illustrations toujours au top – mes goûts), l’équipe de production est totalement à l’écoute de la communauté et communique clairement et assez souvent sur leur travail. C’est un très bon point, appréciable, que d’autres feraient bien de prendre en exemple.
Les auteurs de cette V2 sont toujours les mêmes : les deux piliers et génies des systèmes novateurs que sont by Rob Heinsoo & Jonathan Tweet.
Pour mémoire, Rob H. a travaillé sur le mythique (pour moi hein !) NEXUS the infinite City, sur l’incontournable Feng Shui, sur Glorantha et sur Forgotten Realms.
Rien que ça. Tandis que Jonathan T. a travaillé sur ARS MAGICA (le banger !), sur l’excellent et en avance sur son temps Over the Edge, a fait un petit tour sur Talislanta, à créer l’original et osé Everway dont la création de personne est unique.

Toutes les informations données sur les forums, sur le kickstarter (300.000€+ !), sur reddit, annoncent le meilleur pour cette V2. Plus d’équilibrages partout, des classes améliorées et d’autres réglées plus finement pour que toutes soient intéressantes à jouer avec un même niveau de puissance. L’originalité des Icônes renforcées en jeu, de nouveaux dons selon les peuples.
La liste est longue.
Beaucoup de remarques des fans ont été intégrées tandis que la compatibilité avec la V1 est resté un des principaux fils conducteur. Cela dit, lorsque je vois tous les changements, je pense qu’il est nécessaire d’adapter, à la marge, la plupart des productions de la V1.
Les classes supplémentaires de 13 true ways sont dans le viseur aussi et seront mises à jour dans un supplément à venir.
Mais qu’est-ce qui fait la force de 13th AGE sur qui vous savez !?
Allez une petite liste pour la route.
- 13th Age ose la synthèse entre narratif et combat tactique. C’est réussi, de manière assez fluide et naturelle. Cela dit, j’ai fait du narratif avec D&D sans problème, et ce, dès les premières règles. En fait, tous les jdr entre les mains de passionnés de récit y arrivent soit naturellement, soit avec une ou deux règles faites maison ou encore avec des supports mécaniques comme le Mythic Game Master Emulator ou Muses & Oracles ou … etc. Disons que la philosophie de 13th Age est de donner des biscuits autours des background que cela soit des Pjs, des antagonistes, des objets magiques. De plus, son univers est semi-ouvert pour laisser la place aux créations tierces.
- Il n’y a pas de compétences ! À la place, les PJs disposent de 8 points à répartir dans son historique. Les faits historiques sont une approche abstraite et narrative des compétences. Chaque point représente un bonus sur un jet de d20. C’est un peu un retour aux Bases de D&D old school. Est-ce un réel avantage ? Pas vraiment selon moi. C’est plutôt une manière de construire son personnage au fil de l’aventure. Cela peut générer des discussions infinies en plus. Mais, c’est plus léger à la création des PJs.
- Chaque PJ commence avec une « Chose Unique ». C’est un élément narratif, sans réel bonus mécanique, mais qui pourra ajouter du relief au récit du PJ. Un concept qui n’est pas facile à bien manipuler. La V2 renforcera les explications autour du potentiel de cette règle. C’est en tous les cas un booster de récit.
- Le système de combat utilise des listes de capacités, ce qui permet aux PJs d’avoir des tactiques distinctes. L’ensemble est équilibré, ce qui est une marque de fabrique du système. C’EST LA FORCE de 13th Age. L’architecture de l’affrontement létal dans 13th Age s’inspire de DD4 par certains côtés, mais est surtout un beau moteur tactique de groupe. Je suis curieux de voir comment ils vont faire évoluer cette partie des règles.
- Dans ce même esprit d’équilibre, chaque classe est intéressante à jouer. Un autre point fort. Alors ce n’est pas tout à fait vrai avec la V1. Je ne rentrerai pas dans le détail, mais le voleur… La V2 semble vouloir corriger cela. J’ajoute tout de même que certaines classes sont plus simples ou plus complexes à prendre en main. En général, il vaut mieux commencer au niveau 1 pour découvrir sa classe et apprendre à la piloter. Car oui, dans 13th Age, il s’agit bien d’un pilotage de classe. Ces dernières étant de véritables véhicules à part entière avec leurs combos personnels, leurs subtilités, leur progression type. Plus que dans d’autres jdr ! Faire de l’initiation avec : oui mais au niveau 1 et avec des classes simples si possible.
- Il existe toujours des options en cas d’échec au jet de dé pour que le PJ puisse agir. C’est devenu une tendance forte depuis quelques années. Rappelons que 13th Age V1 faisait partie des précurseurs en la matière.
- Le dé d’«escalade» – permet d’accélérer les combats et de lui donner du rythme. OUI, c’est un fait. Et il fait plus que cela en cadençant le déploiement de certains pouvoirs. UNE IDÉE LUMINEUSE !
- Modificateurs limités – une autre fonctionnalité pensée pour fluidifier les combats. Un seul bonus d’attaque lié à un objet magique peut être actif à la fois. Autre bonne idée bien que mécanique.
- Limitation des objets magiques – un personnage ne peut avoir qu’un objet magique actif par niveau et c’est en partie expliqué !
- Les outils du MJ permettent de créer des rencontres faciles, équilibrées ou mortelles avec des calculs très simples. De même, les monstres peuvent être conçus rapidement grâce à ces outils. Le bloc de statistique est très court, mais pour certains le « lore » ou la manière d’agir est très développé. Les deux bestiaires sortis ne couvrent pas toute la ménagerie habituelles, mais il y de quoi faire.
- Le principe des Icônes offre des opportunités narratives très intéressantes. OUI, mais cela demande de bien comprendre comment utiliser les effets relationnels et savoir les placer à bon escient. L’idée de ces treize icônes est, d’une part, de favoriser l’émergence d’histoires personnelles ou de groupes, mais également, tel un géomètre, de planter les repères de l’univers de jeu. En lisant la description des icônes, la géopolitique du monde apparait en transparence.
- Chaque personnage dispose d’un certain nombre de Rétablissements. permettant de récupérer immédiatement des points de vie ce qui organise différemment la temporalité des aventuriers et du récit. De plus les soigneurs sont moins incontournables.
- Montée de niveau incrémentielle. Une montée de niveau bien pensée et surtout qui a du sens à chaque niveau. pas de ventre mou ici.
- La classe et la catégorie d’équipement utilisées déterminent la Classe d’Armure (CA) et les dégâts — ce ne sont pas les armes et armures spécifiques qui comptent, mais leur type général. Pourquoi pas.
- Le concept connu de « sbires » couplé aux règles de combats de 13th Age permet d’affronter des packs ou des hordes rapidement. Rien de neuf ici.
- Les objets magiques sont toujours accompagnés d’un effet descriptif ou narratif supplémentaire, ce qui les rend plus intéressants et immersifs. D’autres JdR s’y sont essayé avec autant de succès. En tous les cas tout cela est d’un bon niveau.
- Le fluff de 13th Age a le bon goût d’être semi-ouvert pour laisser libre cours à la personnalisation de l’univers. Cependant, l’existant a une forte personnalité doublée d’originalités intéressantes. À ce titre, par exemple, je vous renvoie à l’article des petites factions liées au concept de Behemot -> ICI.
Sinon le PDF traduit en VF par une IA :
Résumons mon point de vue…
Un sentiment de D&D, mais en mieux.
Ce JdR, dans sa V1, se présente presque comme un « New Old School Game ». Je m’explique : les auteurs ont voulu une remise à plat de D&D, pour ne pas dire une mutation vers les tendances du moment, enfin de l’époque. Une version plus facilement jouable, plus narrative, plus rapide et avec moins de détails encombrants. Alors oui, c’est bien du D&D dans l’esprit, mais en même temps ce n’est plus ça et c’est plus que ça. Étrange impression notamment en comparant cela à Earthdawn qui gardait un peu des idées de D&D pour affirmer une vraie personnalité avec un univers et des règles autres !
Oui, on retrouve les classes de personnages !
Difficile d’échapper aux classes de personnage, même de nos jours. Elles se cachent derrière les Archétypes, les professions, les castes etc. Certes, les classes de 13th Age sont d’un « classicisme » à toute épreuve – entendez par là – ce sont les classes fondamentales de D&D, mais les concepts qui entourent la progression du personnage leur donnent un joli corps narratif et une belle densité d’individualisation.
Quelles sont-elles ?
- les combattants purs (les tanks) sont représentés par le Barbare et le Guerrier. À ce propos, j’avoue que le concept de Barbare tel que vu dans D&D ou d’autres JdR cousins, me dépasse un peu. Pour moi un barbare, c’est un guerrier vénère ! Que cela soit une « spécialisation » de guerrier : ok. Mais une classe à part entière, sinon pour singer Conan … Mouais. D’autres JdR ont le bon goût d’appeler cela Berseker, c’est déjà mieux.
- les combattants investis par la foi (les soigneurs) : le paladin et le prêtre. Pareil que pour le Barbare. Pour moi, le paladin c’est un prêtre vénère ou un chevalier avec des objets sanctifiés.
- les combattants polyvalent : voleur, éclaireur, barde.
- les magiciens : magicien et sorcier. La partie magie de 13th Age est un peu le parent pauvre de l’originalité. Peut-être que la V2 va arranger cela.
- dans le supplément 13 True Ways, on retrouve le moine, le commandant, le mage du chaos, le nécromancien, l’occultiste et le druide.

Du D&D plus compact.
J’avoue avoir eu une petite déception au tout début de ma première lecture en 2013-2014 (je ne sais plus). Puis en lisant la construction d’un personnage et les choix qu’il doit faire tout au long de sa montée de niveau, je me suis rendu compte que de manière très simple. Il est facile de différencier les créations dans une même classe afin de ne pas avoir deux personnages similaires. À l’époque, c’était intéressant ; maintenant, c’est tout de même plus généralisé. Ne parlons pas de Pathfinder qui a su très tôt prendre cette voie ou encore de Mythcraft qui ouvre totalement la liberté créative et de différenciation à ce sujet.
D&D dernière mouture, c’est également amélioré à ce niveau sans trop d’inflation technique.
Dans 13th Age, les fameux feats s’organisent par paliers de niveau. Certains feats/prouesses possèdent les trois paliers (aventurier, champion, héro) d’autres qu’un ou deux. Les feats/prouesses peuvent également être « généraux » ou se voir « augmentés » selon les paliers et les classes. On retrouve cet esprit dans Fantasy Age V1 ou V2.
À l’époque, j’avais trouvé cela vraiment guidant et plus digeste que la densité d’un D&D4 au demeurant fort sympathique.
Le fait qu’il n’y ait que 10 niveaux permet d’alléger grandement le tout. C’est une vraie clef de l’intérêt du système (comme pour d’autres, j’en conviens), permettant ainsi, en réduisant la granularité des niveaux, d’avoir des personnages viables dès le premier niveau. Mais, car il y a un mais : en contre partie rapidement très puissants. Par rapport à D&D la progression est différente, plus excitante je trouve. Shadow of Demon Lord l’a bien compris.
De même, les combats de 13th Age se libèrent du plateau de jeu et des hexagones : la narration est à l’honneur, soutenue par quelques notions de distance ou d’engagement.
La description des monstres est, elle aussi, simplifiée pour être immédiatement jouable et abordable. Les listes de sorts conservent les effets habituels mais sont réduites à l’essentiel. Quant aux mécanismes de lancement d’un sort, rien de bien nouveau sous le soleil des magiciens.
Le monde, les peuples et cultures.
Rien que de très classique. Mais sérieusement ouvragé, toujours dans un esprit de simplicité et d’ouverture. Nous sommes loin d’un Talislanta ou d’un Mythcraft. Du D&D pur.
Reste l’idée des 13 icônes.
Treize personnages, sorte de Big Boss/demi-dieux, représentant une orientation positive ou négative par leurs agissements sur le Monde. Chaque personnage-joueur entretient des liens avec un plus ou moins grand nombre de ces caïds dont on imagine qu’ils puissent facilement dépasser le plafond du niveau 10. On les dit demi-dieux…
C’est une force du système si le MJ les utilise bien, sinon ça fera pschitt.

Yep ! C’est un très bon travail de mutation de D&D4 pour la V1 de 13th Age.
Attention cependant : car si l’on n’adhère pas à l’excellent travail de recomposition produit par les auteurs, toute la mécanique de jeu pourrait diablement faire penser à un jeu vidéo avec ses incongruités propres à la progression de niveau et à ses automatismes de règles.
Pour les passionnés en revanche, c’est un véritable bol d’air frais permettant toujours de « customiser » son personnage. Les règles de combat de la V1 avec le dé d’escalade ont vraiment apporté du nouveau et de la rapidité, ce de manière très intelligente et ludique. L’essentiel des mécaniques des classes s’appuient sur cette belle idée. De plus, la gamme a continué à lui donner du corps et de l’esprit.
En final 13th Age V1 est un TOUT assez cohérent qui dégage une certaine personnalité.
J’espère que la Version 2, fort de son expérience d’une dizaine d’années, va sublimer ce qui n’est pas un DD Like, mais bien un JdR à part entière.
